Les bonnes manières n’étaient pas africaines
En discutant hier matin avec mon père, il me demanda de lui servir de l’eau à boire. Ceci lui rappela, deux anecdotes qu’il me conta.
- La première : il demanda une fois à une personne connue, lors d’un passage chez cette dernière de lui servir à boire. Cette dernière prit un sachet de pure water qu’elle ouvrit avec sa bouche et renversa son contenu dans un verre. Mon père choquée par l’acte, lui demanda ironiquement « Tu n’aurais pas un ciseau ? ». Elle comprit l’allusion et se vexa. Je ne sais si finalement, mon père but cette eau.
- La deuxième : Au cours d’un petit-déjeuner avec son neveu, celui-ci prit la boite de lait concentré et se mit à souffler dedans pour faire sortir plus vite le liquide laiteux. Ceci éberlua mon père qui ne toucha plus au lait. Son neveu lui demanda quelques instants après : « Tonton, tu ne comptes pas utiliser le lait ? ». Mon père répondit que non, qu’il ne consomme pas de lait concentré. (Mensonge)
Je m’esclaffai à la fin de ces récits. Je lui dis ensuite que les bonnes manières ne sont pas africaines, qu’elles nous ont été apportées par la colonisation.
Chez nous en Afrique, nous aimions manger à la main sans couvert à plusieurs dans un même plat. Nous mangions vite, bruyamment, les lèvres entre-ouvertes. En signe de satisfaction, à la fin du repas, nous nous lapions les doigts et émettions un rôt fort. Nous utilisions tous les mêmes verres à boire que l’on plongeait dans la citerne contenant de l’eau dont toute la maisonnée se sert. Nous nous invitions chez vous sans vous prévenir que ce soit pour manger, vous voir ou pour séjourner chez vous. Quand tu rends visite à quelqu’un, l’on t’apporte à boire dans un grand gobelet qui passe dans la bouche de tous les visiteurs. Quand bien même vous êtes vingt, ce gobelet passera dans toutes vos bouches. En Afrique c’est convivial. Nos femmes pour leurs menstruations ne portaient pas de couches payées en pharmacie, mais des bouts de tissus qu’elles se mettaient dans ce qui leur servait de caleçons. Nous ne nous épilions pas. C’était pour nous contre-nature. Il était dit qu’une femme qui s’épilait se rendait stérile. Nous laissions nos corps s’exprimer. Chez nous en Afrique, nous n’avions pas pour habitude de beaucoup nous couvrir. Drapé, dans un pagne, nous nous sentions fières et très habillés. Chez nous en Afrique, la famille moderne n’existait pas. Pour se dire bonjour, l’on prend des nouvelles de tout le monde à tel point que cela peut durer une vingtaine de minute. Chez nous en Afrique, les femmes devaient être totalement soumises à leur homme. L’homme pouvait courir autant de femmes qu’il le désirait, toi la femme tu lui devais fidélité et stoïcisme. L’homme pouvait rentrer de tu-ne-sais-où, à une heure extrêmement tardive et te réveiller pour t’intimer l’ordre de lui faire à manger. Chez nous en Afrique, pour pouvoir épouser une femme, tu te dois de la doter. La dote selon notre définition à nous africains, est un ensemble de présents que la belle-famille exige à leur futur gendre. Chez nous en Afrique nos dirigeants avaient pouvoir de vie et de mort sur leur sujet. Souvent les peines de morts consistaient à ce que l’on jette le condamné en pâture à des carnivores. Enfants, nous aimions courir nu dans le quartier les bijoux de familles en l’air. Nous faisions la lessive dans le marigot, nous lavions avec son eau, buvions cette même eau sans pour autant avoir des soucis de santé. Mais quand venait la maladie, la grand-mère avait toujours une recette phytothérapique à dispositions. Pour rire, nous rions. Quand l’africain trouve une chose hilarante, il ouvre grandement sa bouche et se met à rire à gorge déployée. Vous pouvez l’entendre à des centaines de mètres à la ronde. Chez nous en Afrique, nous sortons sans ambages le membre masculin devant tous pour uriner, et nous déposons ensuite un crachat gluant à l’endroit où nous nous sommes soulagés. Chez nous en Afrique, nous nous curons la gorge en nous s’égosillant avant de cracher. Au lever, pour l’hygiène buccale, nous ne nous payions pas en pharmacie des brosses à dent ELGYDIUM à 2500 FCFA pièces assortis à des pates dentifrice sensodyne. Nous mâchions du cure-dent.
Mais tout cela, c’était avant. Depuis il y a eu la colonisation, la traite nègrière, les indépendances … Aujourd’hui nous nous disons civilisés. Chacun ses couverts, chacun son plat. L’on mange avec des fourchettes et couteaux … Nous avons troqué nos pagnes contre des costumes Georgio Armani, Hugo Boss. Finie la polygamie, les putes assouvissent désormais nos pulsions indécentes. Les femmes s’expriment, se disent féministes. Nous nous disons chic parce qu’achetant des trucs chers, allant dans des lieux pas accessible à tout le monde. Nous voilà civilisés !
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